49.3

Chers amis,

Micro-trottoir ce matin sur France Info, au milieu d’un groupe de Gilets Jaunes contestant le 49.3 : « Il faut que le Parlement se saisisse des retraites, même si cela doit prendre deux ou trois mois ». Si nous avions pu nous saisir de ce texte, oui, nous y aurions passé le temps qu’il faut. Vingt-et-un jours consécutifs, vingt-cinq pourquoi pas, voire trente-cinq. Certains d’entre nous avaient déjà anticipé leur procuration de vote pour les deux dimanches d’élections municipales. Le texte sur les retraites en valait largement la peine. Cela fait deux ans que des consultations sur tout le territoire, avec citoyens volontaires et partenaires sociaux s’organisent. Cela fait deux ans que ce texte se construit et que nous attendions ce débat.

Mais malheureusement, une minorité de députés ne voulaient pas débattre. Ils ont posé 30.000 amendements. Ils ont même posé des sous-amendements en cours de débat. Si bien qu’après le quatrième jour d’examen de ce texte en séance publique, le stock des 40.000 amendements à examiner avait augmenté.

Pour rappel, les débats sur la légalisation de l’avortement avaient été très nourris et très long avec quelques 89 amendements. Ceux en 1981 sur l’abolition de la peine de mort aussi, avec pas plus de 27 amendements. En matière d’amendements, la quantité se fait toujours au détriment de la qualité.

La réforme du règlement que nous avons adopté l’année dernière a pu prévenir quelques pratiques d’obstruction, qui ont déjà porté leurs fruits. Mais il était évident que le droit d’amender ne devait pas être limité – il est d’ailleurs protégé par notre Constitution. C’est le droit le plus important du député, particulièrement d’opposition. Pour la majorité qui soutient le gouvernement, les textes à voter, bien que nous ayons toujours apporté des améliorations sur chacun des textes, sont très souvent en accord avec nos engagements de campagne et nos valeurs. Pour l’opposition c’est tout l’inverse, ce qui explique qu’elle ait besoin de plus amender.

Mais pour « se saisir » de la réforme, encore eût-il fallu avoir des amendements dignes de ce nom. Or les groupes France Insoumise et Gauche Démocrate et Républicaine, s’ils n’ont pas manqué d’imagination, ont sur ce texte démontré la vacuité de leurs arguments.

30.000 amendements de pure forme rédactionnelle : changer « garantir » ici, pour le remplacer par « assurer », et quelques alinéas plus loin faire l’inverse, pour ne citer que cet exemple frappant. Avec une défense orale de leurs amendements complètement désordonnée, par exemple en défendant les avocats quand l’article concernait les fonctionnaires, ou en parlant des pompiers quand l’article évoquait les professions libérales. Et des interruptions de séance à n’en plus finir.

Des débats houleux nous en avons connu, et, s’ils ont du fond, ils ne nous font pas peur. Nous avons des arguments à présenter. Mais ces débats absurdes, sans fond, sans queue ni tête, ces 13 jours, ces 115 heures monopolisées par les litanies grotesques de 10 % des députés, nous insultant parfois, cette recherche perpétuelle de l’incident de séance, tout ceci n’avait qu’une finalité : obtenir le 49.3.

Que ceux qui l’ont provoqué ne jouent pas les vierges effarouchées. Ils en sont responsables.

D’ailleurs, Jean-Luc Mélenchon était sénateur socialiste quand Michel Rocard actionnait 28 fois cet article de la Constitution en moins de trois ans.

Outre le spectacle désolant de l’hémicycle, et la vacuité des débats, il y avait l’impasse. La procédure parlementaire est ainsi faite qu’elle ne permet jamais de bâcler le travail, car le texte fait la navette entre le Sénat et l’Assemblée nationale. Puis reviendra en deuxième lecture, ce qui permettra peut-être de reprendre les débats de façon constructive, ce qui prendra normalement quelques mois. Nous prendrons le temps, nous l’avons d’ailleurs déjà pris. Le gouvernement a reconnu le travail des parlementaires, puisqu’il retient 125 de nos amendements, y compris de l’opposition. Car en effet la Constitution avait prévu cet outil pour permettre au gouvernement de sortir de l’impasse qui jusqu’ici était due à l’absence de majorité claire au Parlement. Ce genre de situation souvent rencontrée sous les précédentes Républiques justifiait de prévoir dans la Constitution de 1958 un outil à la main du gouvernement qui empêche la paralysie. Mais cette fois-ci c’était la paralysie recherchée par trente opposants qu’il fallait contrer. Car si je ne conteste pas leur droit de poser des amendements, ils ne peuvent pas contester non plus au gouvernement le droit d’activer le 49.3. Toute la Constitution, rien que la Constitution. D’autant que les amendements conservés permettront de faire évoluer le projet de loi avec :

  • plus de solidarité envers les aidants familiaux
  • les personnes handicapées qui pourront plus facilement anticiper leur retraite dès 55 ans
  • l’abaissement de l’âge de départ en retraite progressive de 62 à 60 ans
  • l’aménagement des fins de carrière à l’hôpital
  • l’amélioration de la pension des femmes
  • le dispositif de rachat de points au titre d’un stage

etc…

Le 49.3 n’est pas un coup de force. C’est un outil légal prévu par la Constitution. En revanche, dégrader les parties communes d’un immeuble, comme celui où est installé ma permanence est pénalement répréhensible. C’est pour cela que j’ai porté plainte contre cet acte d’intimidation intervenu le week-end dernier, qui cherche à déstabiliser une élue de la Nation, mais qui n’entame en rien ma détermination et mon engagement au service de l’intérêt général.

 

Votre députée,

Caroline Abadie

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