Comme si c’était hier, je me rappelle de ce 13 septembre 1993. Je mangeais des BN, ils ne souriaient pas encore, devant ma télé en rentrant du collège, pour vivre ce moment historique des accords d’Oslo qui devaient mettre fin au conflit israélo-palestinien. Les rêves d’enfant ne se réalisent pas toujours.

Nous examinions hier une proposition de résolution du groupe Gauche Démocrate et Républicaine dans le cadre de sa journée d’initiative parlementaire.

L’Assemblée nationale, désormais composée de 10 groupes parlementaires, permet une fois par an, à chaque groupe d’opposition d’être maître de l’ordre du jour. Le groupe GDR a proposé, en premier texte de sa première journée, une proposition de résolution visant à condamner Israël d’apartheid.

Le terme d’apartheid nous renvoie évidemment au régime de ségrégation raciale organisé en Afrique du Sud qui inscrivait, jusqu’en 1991, dans le droit national l’inégal accès aux droits et l’interdiction de mixité entre noirs et blancs.

Ce terme d’apartheid répond-il à la situation actuelle d’Israël ?

Cette proposition de résolution arrive quelques jours avant le 75 anniversaire de la création d’Israël. Elle intervient aussi quelques semaines après un voyage d’étude que j’ai entrepris en mars avec une 50 aine d’élus locaux, nationaux et les représentants du Consistoire français.

La géopolitique est généralement complexe, la situation d’Israël ne fait pas exception, et je n’aurais donc pas la prétention de tout savoir ou de tout comprendre. D’autant que le contexte français qui connaît une remontée des propos et actes antisémites, en nombre et en degrés de violence, ne peut pas être neutre dans ce débat posé au cœur de notre démocratie française.

La reconnaissance faite aux juifs de leur droit de vivre dans un Etat souverain, libre et indépendant, fonde la création de l’Etat d’Israël en 1948. Reconnaître ce droit, c’est être sioniste. Sur ce point-là, le groupe GDR a réaffirmé que sa résolution ne remettait pas en cause cette reconnaissance.

En revanche, on peut être sioniste et critiquer la politique actuelle du gouvernement de Benjamin Netanyahou. Ce n’est ni de l’antisionisme, ni de l’antisémitisme. Et c’est bien légitime de pouvoir critiquer la politique d’un gouvernement, quel qu’il soit, de quelques pays que ce soit. Particulièrement celui-ci.

Parce qu’après 75 ans d’existence, de nombreux dirigeants israéliens, dont le grand Yitzhak Rabin, avaient reconnu que pour la sécurité et la pérennité de l’État d’Israël, il lui fallait un État Palestinien à ses côtés, souverain, démocratique, dessiné sur la base des lignes de 1967, avec Jérusalem comme capitale des deux États.

Ce que fait le gouvernement actuel, de plus en plus dépendants des forces politiques d’extrême droite et des ultra religieux qui se sont renforcés lors des élections de 2022, à commencer par sa politique de colonisation et les restrictions de circulation ne sont ni respectueux des droits fondamentaux des palestiniens vivant en territoires occupés de Cisjordanie, ni propices à la résolution pacifique du conflit. Sans même parler de la situation économique des territoires occupés et de son taux de chômage.

En revanche, dans sa résolution le groupe communiste ne distingue pas les territoires occupés et le reste d’Israël où musulmans et juifs ont les mêmes droits, peuvent se marier et vivre en mixité, où ils accèdent aux mêmes fonctions, votent ensemble sur les bancs de la Knesset où ils ont été élus. Probablement que rien n’est parfait, mais il n’y a pas d’apartheid comme l’ont vécu les sud-africains au siècle dernier.

En transformant un conflit de territoire en conflit racial, le groupe socialiste racialise le conflit. Or si ce débat a eu le mérite de mettre en lumière les souffrances du peuple palestinien, il se devait de poser les bons mots pour espérer soigner les maux du Proche-Orient.

Bien sûr que nous aimerions qu’un nouvel Ariel Sharon, comme cela avait été fait en 2005 sur la bande de Gaza, opère de nouveaux retraits. Bien sûr, que nous savons que la communauté internationale sera un pilier pour soutenir la paix, tout comme la capacité des israéliens à exprimer leur désir de paix.

Mais une fois le choix des termes analysé, je m’interroge sur le choix du sujet. Pourquoi Israël, plutôt que l’Azerbaïdjan qui assoiffe les Arméniens du Haut-Karabakh ; plutôt que l’Iran qui réprime dans le sang, le vent de liberté qui soulève les voiles des jeunes filles ; plutôt que le Venezuela que l’ONU accuse de crime contre l’humanité à l’encontre des opposants politiques… les exemples ne manquent malheureusement pas.

Les rêves d’enfant ne se réalisent pas mais au moins les BN sourient maintenant…