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Chers amis,
Je croisais des jeunes à la sortie d’un bureau de vote qui n’avaient aucune intention de voter : « j’ai voté la dernière fois, ça n’a rien changé pour moi ».
C’est déjà ne pas comprendre la différence entre les élections municipales et celles de cette année, ou de toute autre. C’est la démonstration triste que nos concitoyens ne connaissent pas les compétences propres de chaque collectivité, ni même ce qui relève des collectivités de ce qui relève de l’Etat. C’est donc la démonstration consternante que 30 ans après les premiers actes de décentralisation et quelques années après les derniers de 2015 qui ont créé les grandes régions, nous n’avons toujours pas réussi à faire comprendre « qui fait quoi » ! Ce fait, bien sûr, accentué par le discours sécuritaire de certains quand la sécurité n’est même pas une compétence propre de la région.
Mais qu’importe, au-delà de la compréhension de ce que font les milles feuilles de notre tissu institutionnel, l’abstention c’est là encore la démonstration triste que les collectivités n’ont pas réussi à intéresser, à ce qu’elles font, leurs administrés.
J’entends cependant que l’abstention soit multifactorielle. La météo, la fête des pères, le déconfinement, oui, certainement. Les modalités de vote d’un autre temps, en effet. Je salue à ce titre l’initiative du Président de l’Assemblée nationale de se pencher sur ce sujet, pour déjouer la stratégie d’évitement qui perdure depuis longtemps.
« Tous pourris ! » On l’entend parfois sur les marchés. Chaque affaire politique éclabousse durablement la classe politique dans son entier. « Une fois élus, c’est tranquille ! » On l’entend aussi parfois. Et ça fait mal, quand on a divisé par 20 ou 30 le temps qu’on pouvait accorder à sa famille, ses amis ou soi-même dès le lendemain de son élection. Sur ces deux questions, élus locaux et nationaux sont dans le même bateau. Même si nous ne portons pas les mêmes idées, il faut défendre la sincérité de notre engagement que nous avons en commun.
Mais surtout « vous faites quoi pour moi ? » Ne pas voir qu’on dépend tous de la solidarité nationale, et donc des institutions qui la mettent en œuvre, c’est croire qu’on vit retranché de la communauté nationale. Cet individualisme, comme le définit Tocqueville c’est le « sentiment qui dispose chaque citoyen à s’isoler de la masse de ses semblables et à se retirer à l’écart avec sa famille et ses amis » et c’est le fait que dans nos démocraties modernes, nous vivons dans une apparente autonomie. L’objectif d’offrir l’épanouissement individuel a réussi. La contrepartie, visiblement, c’est qu’on ne voit pas ou plus ce que font les collectivités ou l’Etat pour nous.
C’est donc croire, particulièrement à l’heure de sortie de crise, que c’est le fruit du hasard si le pouvoir d’achat des salariés en 2020, n’a baissé que de 0,2%, quand le PIB baissait de 8,3%. Que c’est le fruit du hasard si le taux de chômage a baissé de 3,5% en mai dernier. Je pourrais multiplier les exemples à l’envie, tant pendant cette crise nous avons, collectivement, sauver notre pays, et chacun de ses habitants, du collapse.
Je pense que la démonstration, même hors crise, est tout aussi facile : l’Etat et les collectivités font tout pour tout le monde : santé, école, collège, lycée, formation, transports, dont personne riche ou pauvre, ne peut prétendre n’avoir jamais bénéficié.
Mais je m’interroge aussi sur ce besoin que les élus fassent quelque chose « pour moi ». Où est passé l’intérêt général ? Nous venons de voter la PMA (à ne pas confondre avec la GPA – Gestation Pour Autrui) pour toutes les femmes, en couple dans la continuité du mariage pour tous, ou célibataires. Probablement que cela ne bénéficiera pas à beaucoup. Statistiquement, c’est même une part infime de nos concitoyennes. Idem, quand j’œuvre sans relâche pour protéger les femmes battues en proposant une prise en charge holistique des auteurs de violences conjugales. Sans relâche, malgré les embuches. La encore, heureusement d’ailleurs, cela ne concerne directement que quelques femmes – quoique trop nombreuses.
Lutter contre le racisme, protéger les droits fondamentaux des majeurs protégés (tutelles, curatelles), légiférer pour la dignité en prison, bref, porter attention à des faits non majoritaires, n’aura peut-être pas de conséquences positives dans les urnes…
Qu’importe ! C’est œuvrer pour l’intérêt général, et c’est le sens de mon engagement.
Caroline ABADIE,
Votre députée