Chers amis, |
Le 6 janvier 2021, des partisans du président américain battu aux élections, Donald Trump, ont marché par milliers sur le Capitole. Le cœur battant de l’une des plus vieilles et plus grandes démocraties du monde a été envahi sous nos yeux médusés. |
Je l’ai appris de François de Rugy, ancien président de l’Assemblée Nationale, actuel président de la commission spéciale dédiée au projet de loi visant à renforcer les principes républicains, lors d’une audition. Nous évoquions justement, avec le ministre Cédric O, en charge du numérique, le risque que représentent désormais les réseaux sociaux pour nos démocraties. Je venais, comme je le fais depuis deux ans, de défendre l’idée de renforcer la formation et la prévention numérique à l’école et au collège. |
J’ai écouté les paroles de Joe Biden, appelant au calme. J’ai aussi entendu ce président burlesque, encore quelques jours président mais burlesque pour toujours, faire sa déclaration d’amour à ceux qu’il qualifiait de formidables ; des extrémistes, des suprématistes, des incrédules, des forcenés. Après cela, il ne restait plus qu’à attendre que la tempête passe et espérer que le bateau ne coule pas. Il ne restait alors plus qu’à se déconnecter et dormir. |
5 morts. Le bureau de Nancy Pelosi pris pour cible dans ce labyrinthe gigantesque et mis à sac. Puis vint le retour au calme, pour ne pas dire à la normale avec l’élection de Joe Biden entérinée. |
Trump, dépendant aux réseaux sociaux, avait sifflé le coup d’envoi de cette insurrection. Twitter lui a coupé le sifflet, sans préavis, sans décision judiciaire. |
Comment réconcilier deux camps si profondément divisés ? Difficile tant que chacun crie dans sa bulle numérique. Nous vivons tous dans des bulles informatives uniques, créées juste pour nous, dans lesquelles nous nous enfermons peu à peu. C’est le principe des algorithmes qui vous proposent des informations censées vous plaire. Ces usines à clic vivent de notre attention et de nos données. Ces outils de liberté, de rencontre et de partage se sont perdus en chemin, à la recherche du profit maximum, choisissant un modèle économique loin de l’humanisme. |
Alors, quand un partisan de Trump entend pleurer l’enfant à qui on a volé son jouet, ne trouvant pas d’autres informations pouvant éventuellement mettre en doute ces versions des faits, il descend dans la rue et marche sur le Capitole. Pas tous. Certes. Mais quelques milliers ont suffi. |
Conscients des dangers des outils qu’ils ont fabriqués, d’anciens collaborateurs de Twitter, Facebook et autres, font désormais œuvre pédagogique pour nous aider à comprendre ce dont est capable l’intelligence artificielle dans un reportage éclairant, « Derrière nos écrans de fumée », que je vous invite à regarder. Les mêmes interdisent à leurs enfants d’aller sur les réseaux sociaux. |
Pendant ce temps-là, les réseaux sociaux censurent les comptes du président américain, encore au pouvoir, et pas encore soumis à sa 2e procédure d’impeachment, sans décision de justice. Mais heureusement, la « cour suprême » créée par Mark Zuckerberg examinera très vite cette affaire. Soyons rassurés. Il a créé une monnaie, il peut bien créer un système judiciaire ad hoc. Après tout, sa fortune est supérieure au PIB de la Pologne. Bientôt, il créera une police et nous n’aurons plus besoin de démocratie. |
La question que je me pose toujours, c’est de savoir si les réseaux sociaux sont le symptôme ou la maladie. La cause ou la conséquence du problème. L’imprimerie avait elle aussi marqué un tournant dans l’histoire de l’humanité. Toute évolution technologique est issue d’un progrès et implique de faire avancer à son tour la société. La grande différence entre le 15e et le 21e siècle, c’est que désormais les progrès sont quotidiens. L’humanité et en l’occurrence la démocratie n’ont pas le temps de progresser au même rythme. |
Réguler les réseaux sociaux est crucial. Remettre les humains au cœur de la modération des contenus aussi. En parallèle, sensibiliser les utilisateurs l’est tout autant. |
Mais je n’oublie pas que ceci n’est peut-être que le symptôme d’une société clivée entre d’une part celle qui, majoritaire, avance, s’engage, trouve sa place. Et d’autre part, celle qui conteste, remet en cause, s’indigne avec le besoin de faire du buzz, d’être vue et reconnue. Plutôt que d’écrire une lettre, un email, on préfère taguer dans la rue. On préfère coller des affiches la nuit en dissimulant son identité, plutôt qu’au grand jour. On veut avoir une prise sur ce monde si complexe. Cette société doit être aussi entendue. Lutter contre les inégalités, pour le climat et en même temps contre le Covid, rien que cela. Et faire progresser la démocratie. Car la démocratie, même à quatre dans une famille est imparfaite. Imaginez alors à 67 millions ! Sans parler du reste de l’humanité qui ne connaît pas le goût de la démocratie. |
La démocratie, est par essence imparfaite et toujours perfectible. Marcher dessus ne la fait pas progresser. Le chaos et l’anarchie n’ont jamais su protéger les plus faibles. La démocratie y arrive, en grande partie, et se fixe comme objectif de toujours en faire plus. |
Joe Biden, maintenant installé dans ses fonctions de président des Etats-Unis, souhaite un sommet sur la démocratie. C’est opportun. La démocratie est contagieuse, mais elle est aussi fragile. C’est une excellente nouvelle que ce grand pays démocratique se lance dans cette réflexion qui le fera progresser, comme il nous amènera tous à réfléchir. |
« Ne demande pas ce que ton pays peut pour toi, disait John Fitzgerald Kennedy, demande-toi ce que tu peux faire pour ton pays ». Evidemment en ces temps difficiles pour chacun, cette maxime redonne un peu de force et permet de réfléchir à la démocratie en se mettant à sa place. A la place de la démocratie ! |
Votre députée,
Caroline Abadie |